SÉCHERESSE: les trois départements du Limousin passent au rouge.

SÉCHERESSE: les trois départements du Limousin passent au rouge.

Corrèze, Creuse et Haute Vienne sont placés en “crise sécheresse”, soit le dernier des 4 niveaux d’alerte. Il a été reconnu par les préfectures de Haute-Vienne le 28 juillet, de Creuse le 2 août,  et de Corrèze le 10 août.

La sécheresse 2022 s’annonce déjà historique. Outre le manque de pluie de ces derniers mois et du dernier hiver, elle est aussi la conséquence d’une gestion de l’eau inadaptée à la réalité de nos ressources et incohérente par rapport aux connaissances scientifiques. Les prévisions de Météo France annoncent encore des semaines chaudes et sèches. La situation pourrait donc encore empirer et aboutir à la mise en œuvre des plans ORSEC pour gérer l’alimentation en eau potable, en particulier en Creuse.

La sobriété, la remise en cause du modèle agricole intensif, la désartificialisation des sols et la restauration des fonctionnalités écologiques des écosystèmes aquatiques s’imposent aujourd’hui comme les seules solutions pour une sortie durable de la crise. 

Agir face à la sécheresse… 

Limiter et/ou interdire certains usages permettent de retarder l’échéance en diminuant les pressions mais les arrêtés préfectoraux arrivent tardivement, une grande majorité des cours d’eau est déjà au seuil de la crise, voir en assec[1]  total, les sols sont asséchés, la végétation souffre. Tous les gestes comptent bien sûr, mais il est essentiel d’avoir un message clair, cohérent et efficace. 

Pour cela les associations de protection de l’environnement en Limousin appellent les pouvoirs publics à mieux communiquer sur les mesures de restriction d’utilisation de l’eau, à ne pas délivrer de dérogations à ces mesures, et à assurer un contrôle réel et des sanctions effectives.

[1]En Limousin, comme ailleurs en France, la gestion de l’eau dans cette période de crise pose question:

En Haute Vienne,

Le comité sécheresse (ou CODRE, Comités départementaux de suivi de la ressource en eau, qui regroupent les acteurs de l’eau des territoires) exclut depuis plusieurs années les associations environnementales, pourtant agréées pour la protection de la nature et en dépit de demandes réitérées. L’Etat et ses services accusent un retard important dans la mise en œuvre de la réglementation sécheresse réformée en profondeur en juin 2021.

Le 10 août, le comité s’est donc réuni en l’absence de représentantes et représentants de la protection de la nature, et malgré une situation catastrophique, les mesures décidées restent timorées et très en deçà des exigences permettant de sauver les milieux aquatiques. 

En Corrèze,

Les associations de protection de la nature sont associées aux comités pléniers (1 toutes les 3 à 4 semaines en période de crise) , le dernier a eu lieu ce mercredi 10 août. Les divers services ont fait un point : Météo France confirme juillet 2022 comme le mois de juillet le plus sec depuis 1959 en Corrèze,  ne prévoit pas d’amélioration à court terme; les sols se sont asséchés, notamment sur la partie Vézère-Auvézère; le BRGM, la Direction Départementale des Territoires (DDT), l’Office Français de la Biodiversité et EPIDOR (Etablissement Public Interdépartemental Dordogne) confirment la situation catastrophique illustrée par des ruisseaux désormais à sec, en flaques ou en péril  sur plus de la moitié des stations suivies: ex Loyre à Voutezac, Diège à Chaveroches, Auvézère à Lubersac, Couze de Larche à Noailles. Aucun territoire n’est épargné.
L’ARS (Agence Régionale de Santé)  renchérit avec l’annonce des premiers citernages sur la Xaintrie (St Privat) et s’inquiète non seulement de la quantité d’eau disponible mais de sa qualité et du manque de visibilité dû aux non réponses des gestionnaires des réseaux d’Alimentation en Eau Potable (AEP) à ses sollicitations.
Les pêcheurs ont demandé l’interdiction de pêche sur les ruisseaux en première catégorie et feront des pêches de sauvetage à l’épuisette dans certains cours d’eau.
Corrèze environnement a soutenu le passage en crise de toute la Corrèze, demandé qu’une large  communication soit assurée et surtout que les acteurs se réunissent hors crise pour construire une gestion de l’eau partagée.

En Creuse,

Le comité est très réactif (il fonctionne par échange de mails et réunions téléphoniques) et à l’écoute de l’ensemble des acteurs comme de la société civile. Toutefois, les débits des cours d’eau au sud du département, jusque-là moins impactés que dans le reste du territoire, baissent très rapidement.
Ailleurs, la majorité des cours d’eau suivis sont en situation d’assec. Du jamais vu: les réserves d’eau de pluie et alternatives s’épuisent et la tension monte : plusieurs milliers d’habitants sont déjà confrontés à des difficultés d’approvisionnement en eau potable..

La sécheresse est une situation de crise qui, outre ses impacts sur les usages de l’eau, aboutit à des atteintes écologiques très importantes, tant en quantité qu’en qualité.

Dans ce contexte, la loi sur l’eau doit être appliquée à la lettre : Priorité à l’eau potable et à la préservation des écosystèmes aquatiques.

Nos associations restent vigilantes pour que cette règle soit respectée partout, et en particulier pour qu’aucune dérogation agricole ne soit accordée au profit d’exploitations intensives, que les arrêtés de restriction des consommations soient contrôlés sur le terrain et leur non-respect sanctionné. Pour rappel, en 2019, dernière année de sécheresse, la petite dizaine de procès verbaux dressés par les services de police de l’environnement (en 87) contre des agriculteurs irrigants, des municipalités ou des industriels,  avaient tous été classés sans suite…

… et en tirer les leçons 

Les prévisions relatives au dérèglement climatique prévoient davantage de sécheresses et d’épisodes de crues, avec une baisse globale de la ressource disponible et une altération de sa qualité. Agir une fois la crise présente ne suffit plus.  Sur chaque territoire, l’eau est une ressource en partage entre usagers, qui doit être gérée collectivement dans le respect des milieux aquatiques.
Les Associations d’étude et de protection de la nature sont des acteurs incontournables car elles défendent l’intérêt général . Nos associations rappellent qu’une vraie prévention des sécheresses se prépare en amont, et non au moment de la crise. La réponse de long terme se situe dans les choix des politiques publiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, dont la politique de l’eau et des milieux aquatiques.

Il est nécessaire de repenser ensemble notre  lien à la nature et à l’eau et participer à co construire un monde vivable pour tous les êtres vivants. 

Agir sur le terrain 

Le mouvement FNE  vous invite à vous saisir de ces questions qui nous concernent toutes et tous.
Nos associations travaillent par exemple à protéger et restaurer les zones humides, à inciter à désartificialiser les sols, à restaurer les trames vertes et bleues, à échanger sur les pratiques et initiatives favorables…

Pour participer plus efficacement à la connaissance de l’état des cours d’eau et à la prise de décision publique sur la gestion de l’eau, nous avons besoin de vous : signalez nous  les cours d’eau dont l’écoulement n’est plus visible sur : https://sentinellesdelanature.fr/campaign ( une application est disponible sur Google Play et AppStore) .

Signalez nous aussi toutes les initiatives favorables à la nature sur Sentinelles de la nature !  

Communiqué de presse du 12 aout 2022 -
Limousin Nature Environnement, Sources et Rivières du Limousin, CORREZE environnement et FNE Creuse

[1]  L’assec est l’état d’une rivière qui se retrouve sans eau. Dans le cadre du suivi mené par l’observatoire national des étiages (Onde), un cours d’eau est considéré en assec lorsque l’eau est totalement évaporée ou infiltrée sur plus de 50% de la station d’observation.


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